Comment aider une personne qui pourrait être suicidaire ?

1) Sans connaissance médicale, peut-on aider un proche suicidaire ?
Le comportement suicidaire est un appel au secours. Plusieurs personnes suicidaires demandent de l’aide en premier à un ami ou à un membre de leur famille. Chacun peut aider un proche confronté à la souffrance, avec les moyens dont il dispose, en étant prudent et surtout en respectant les limites de ses connaissances. Si l’on vous demande de l’aide dans ce contexte, ou si vous voyez des signes avant-coureurs chez l’un de vos proches (voir Section 4 ci-dessous), vous devez vous assurer que la personne en question reçoit les soins appropriés. Vous pouvez éviter un geste irrémédiable en accompagnant immédiatement votre proche vers une ressource appropriée. Par exemple, les Services d’urgence de prévention du suicide offrent du soutien non seulement aux personnes à risque, mais aussi à leurs proches. Rappelez-vous qu’il y a généralement une partie de la personne suicidaire qui veut vivre, et ce, jusqu’à la dernière minute. Votre aide peut faire grandir cette volonté de vivre.

Ruban bouclé bleu

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2) Ce que vous pouvez faire (sans connaissance médicale)

Si votre proche est sérieusement suicidaire, agissez immédiatement :

  • Ne le laissez pas seul.
  • Si des moyens permettant de se suicider sont à sa disposition, débarrassez-vous d’eux :
      médicaments, armes, produits toxiques, etc.
  • Trouvez très rapidement une aide professionnelle :

Pour les personnes qui pensent au suicide, l’irréparable semble le seul moyen de s’en sortir. La force de leur désir suicidaire ne doit pas être sous-estimée. Au besoin, n’hésitez pas à aller directement à l’hôpital, ou à composer le numéro d’urgence général de votre région, par exemple le 15 en France et le 911 en Amérique du Nord. Ceux qui pensent au suicide ne doivent pas essayer de s’en sortir seuls. Obtenez pour eux de l’aide professionnelle IMMÉDIATEMENT :

  • Si possible, trouvez un endroit sécurisant pour parler avec l’individu et accordez-lui tout le temps nécessaire.
  • Parlez avec calme du suicide sans avoir peur d’aborder le sujet.
  • Essayez de comprendre ce qu’il vit, les problèmes qui motivent son envie de mourir.
  • Montrez que vous tenez à lui.
  • Demandez à l’individu s’il se sent suffisamment désespéré pour contempler le suicide. S’il répond « oui », demandez-lui s’il a formulé un plan, et comment et où envisage-t-il se suicider ?
  • Cherchez avec lui des solutions qui pourraient l’aider à surmonter la crise, le raccrocher aux activités qu’il aimait auparavant.
  • Demandez-lui si d’autres personnes sont informées de ses sentiments suicidaires et de qui il s’agit. Y a-t-il d’autres personnes qui devraient le savoir ? La confidentialité est bien sûr importante, mais elle n’est pas plus importante que la vie humaine. Chaque situation est unique, à vous de juger.
  • Encouragez-le à rencontrer des gens, mais à son rythme, dans la mesure de ses capacités. Mettez à contribution d’autres amis et membres de sa famille.
  • Formulez un plan d’activité et de repos avec la personne.
  • Soyez prêt à donner de l’aide sur-le-champ : La prévention doit être prise en charge le plus tôt possible. Donc, agissez rapidement. Malheureusement, les gens suicidaires hésitent parfois à demande de l’aide, de peur qu’on ne leur dise qu’ils sont stupides, fous, coupables ou manipulateurs. Ils ont peur du rejet.
  • Écoutez :
    Donnez à votre proche toutes les occasions de soulager ses difficultés et de ventiler ses frustrations. Évitez de trop parler. Montrez-lui simplement que vous comprenez qu’elle est en détresse. Donnez-lui le soulagement de ne plus être seule avec sa douleur. Dites-lui qu’il a bien fait de s’adresser à vous. Et surtout, évitez de donner des leçons.
  • Cachez les objets qui peuvent servir au suicide :
    Le comportement suicidaire est souvent impulsif. Conséquemment, le simple fait de restreindre l’accès aux moyens de se suicider peut réduire considérablement le risque de suicide. Dans la mesure du possible, retirez les articles qui peuvent servir à poser ce geste, comme les armes à feu, les couteaux, les stupéfiants, les médicaments (exemples : Dafalgan, Efferalgan et Tylenol).
  • Assistez votre proche dans sa recherche d’aide :
    • Avec sa permission, aidez-le et accompagnez-le dans ses démarches d’évitement. Composez pour lui un des numéros d’urgence. Visitez avec lui les sites web de prévention du suicide.
    • Au besoin, offrez votre aide pour obtenir un rendez-vous avec un psychologue ou un médecin.
      Proposez votre présence au premier rendez-vous.
    • Si approprié, insistez sur le fait que la mort est irréversible et définitive, puis cherchez avec lui d’autres solutions qui pourraient l’aider à surmonter sa crise suicidaire. Évoquer clairement qu’il existe d’autres solutions que le suicide pour obtenir des changements. Démontrez à votre proche qu’il n’est pas seul pour surmonter cette crise. Vous et possiblement d’autres proches seront là pour l’aider.
    • Si la situation s’y prête, félicitez votre proche d’avoir le courage de continuer à vivre et à se battre.
Des oiseaux volent vers un coucher de soleil.

Photo de Abhishek Singh

3) Ce qu’il faut éviter

  • Minimiser la gravité de ses problèmes.
  • Lui faire la morale.
  • Lui dire de ne plus penser à la mort.
  • Donner des recettes de bonheur.
  • Faire des promesses que vous ne pourrez tenir.
  • Tout faire à sa place sans lui en parler. Ne pas faire cela, car il pourrait croire être devenu inutile.

Évitez de lui dire de se « ressaisir » où que c’est sa faute s’il se sent ainsi. Vous risqueriez de l’isoler davantage en le décourageant d’exprimer ses pensées ou de demander de l’aide.

4) Certains signes avant-coureurs du suicide

  • il adopte une attitude négative la plupart du temps ;
  • il n’a plus d’intérêt pour les activités qu’il aimait ;
  • il s’isole, sort très peu de chez lui ;
  • il a grandement diminué ses contacts sociaux ;
  • il est plus agressif et se met fréquemment en situation de danger ;
  • il parle souvent de la mort ou de sujets qui y sont reliés ;
  • méfiez-vous du mieux-être soudain sans raison apparente.

Cette liste n’est pas exhaustive. De plus, certains se suicident sans signes avant-coureurs. Chaque cas étant unique, toute indication de mouvement suicidaire doit être prise au sérieux. Voici une approche plus détaillée pour identifier les signes avant-coureurs : Reconnaître les signes de l’Association québécoise de prévention du suicide.

5) Questions à poser à une personne possible suicidaire
La meilleure façon de savoir si une personne pense au suicide est de lui poser la question directement : « Est-ce que tu penses au suicide ? » N’ayez pas peur d’aborder ce sujet. L’expérience clinique suggère que le fait de discuter de suicide a généralement pour effet de soulager la personne déprimée, non pas d’augmenter le risque de passage à l’acte. On offre ainsi à cette personne la possibilité de parler ouvertement de sa détresse.
Quand il y a présence de pensées suicidaires, il est important de vérifier s’il y a une planification des détails. Si vous vous doutez que la personne a commencé à planifier la fin de sa vie, n’hésitez pas à poser des questions directes pour connaître ses intentions concrètes, par exemple :

    – COMMENT veux-tu te suicider ?
    – OÙ veux-tu te suicider ?
    – QUAND veux-tu te suicider ?
Un individu qui dit qui prévoit prendre un certain nombre de comprimés d’un médicament, est plus à risque que quelqu’un qui ne sait pas encore comment mettre fin à ses jours, et la probabilité de passage à l’acte est beaucoup plus élevée si la personne a de tels médicaments en sa possession.

Visage d'une adolescente exprimant la tristesse

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6) Prédispositions au suicide
Le suicide est un phénomène complexe qui ne peut s’expliquer par une cause unique. Les études ont toutefois démontré que certains facteurs personnels associés à des éléments déclencheurs peuvent rendre une personne plus à risque de faire une tentative de suicide. Par ailleurs, d’autres facteurs dits de protection peuvent réduire ce risque :

  • Les antécédents de tentatives de suicide,
  • La présence d’un trouble de santé mentale. Les troubles de l’humeur, dont la dépression, les troubles anxieux, les troubles reliés aux abus de substances (alcool, drogue), la présence d’une forte impulsivité dans le tempérament,
  • L’existence de suicide ou de comportements suicidaires dans la famille,
  • L’isolement social, notamment si le soutien familial est absent,
  • Un cumul d’événements de vie négatifs tels que le décès d’un proche, une perte d’emploi, des échecs scolaires, une rupture amoureuse, des problèmes de santé, des questionnements identitaires, etc.

7) Mythes sur le suicide ?

  • Parler de suicide à un suicidaire est dangereux : FAUX.
    Accepter de parler du suicide, c’est permettre à l’autre de se sentir reconnu dans sa souffrance, de rompre son isolement.
  • Ceux qui en parlent ne passent pas à l’acte : FAUX.
    Il faut toujours prendre au sérieux quelqu’un qui parle de suicide. Toute tentative de suicide doit être prise au sérieux.
  • Le suicide est imprévisible, on n’y peut rien : FAUX.
    La plupart des suicides sont annoncés de façon plus ou moins explicite.
  • Le suicide est un choix individuel, on n’a pas à intervenir : FAUX.
    Celui qui pense au suicide se sent au contraire dans une impasse et considère qu’il n’a plus le choix.
  • Ceux qui veulent se suicider ont pour objectif premier de mettre fin à leurs jours : FAUX.
    Ils ne veulent surtout plus souffrir.

8) Quoi faire à la suite d’une tentative de suicide ?
Une personne peut tenter de se suicider sans avertissement ou malgré les efforts pour l’aider. La période suivant une tentative de suicide est critique. La personne devrait recevoir des soins intensifs au cours de cette période. Mettez-vous en contact avec lui régulièrement et aidez-la à établir un réseau de soutien. Il est essentiel qu’il n’ait pas l’impression qu’on l’exclut ou qu’on la fuit en raison de sa tentative de suicide.

9) Qu’est-ce qui mène les gens à se suicider ?
Les circonstances qui peuvent mener une personne à décider de mettre fin à sa vie sont nombreuses, mais les sentiments qu’une personne éprouve à l’égard de ces circonstances sont plus importants que les circonstances elles-mêmes. Tous ceux qui contemplent le suicide trouvent la vie insupportable. Ils éprouvent d’extrêmes sentiments de désespoir et d’impuissance. Dans certains cas de maladie mentale, les personnes peuvent entendre des voix ou avoir des idées délirantes qui les incitent à s’enlever la vie.

Origine et limite de cet article
Cet article est le résumé de plusieurs publications sérieuses sur le suicide. Mais il ne remplace d’aucune façon la consultation de professionnels de la santé.

Suggestion de lecture :
« Le suicide, l’affaire de tous : vers une nouvelle approche » », Suzanne Lamarre, Montréal : Les Éditions de l’homme, 2014, 217 p.
Comment aborder la question du suicide avec un membre de notre famille ou de notre entourage qui semble à risque ? Doit-on lui cacher notre inquiétude ou, au contraire, lui poser des questions précises ? Comment le faire sans aggraver la situation ? Médecin psychiatre de l’Université McGill, Suzanne Lamarre nous livre dans ces pages une nouvelle vision de la problématique du suicide. Elle fait la preuve qu’il ne faut plus se limiter à traiter les comportements suicidaires comme les symptômes d’une maladie mentale, mais comme un moment clé pour réorganiser la vie avec les autres. Des histoires de cas, certaines tristes, d’autres touchantes ou qui se terminent bien, illustrent son propos.

Suggestion de films :

  • « Une drôle d’histoire », Anna Boden et Ryan Fleck. Alliance, 2011, 101 min. Comédie dramatique.
    Craig Gilner est un jeune homme de 16 ans angoissé. Un jour, il se rend à l’hôpital et est examiné par un psychiatre. L’aile psychiatrique pour adolescents étant temporairement fermée, il doit séjourner dans la section des adultes. Un des patients, Bobby, devient vite à la fois le mentor et le protégé de Craig. Durant les cinq jours qui lui sont imposés dans l’aile psychiatrique, Craig fait des découvertes sur la vie, l’amour et les pressions associées au fait de grandir.
  • « Cake », Daniel Barnz. Montréal : Équinoxe Films, 2015, 102 min. Drame.
    Victime d’un terrible accident qui a changé son existence à jamais, Claire a la peau recouverte de cicatrices et elle est plus sensible à la douleur. Dépendante aux médicaments et aigrie dans ses relations avec les autres, elle a des idées suicidaires depuis qu’une femme de son groupe de soutien s’est enlevé la vie. Afin de mieux la connaître, Claire noue une amitié avec son mari et son jeune fils. Ces rencontres agissent comme des baumes sur ses plaies, ce qui ne l’empêche pas de devoir affronter une bonne fois pour toutes, les démons de son passé.
  • « Je vais bien, ne t’en fais pas », Philippe Lioret. Montréal : Équinoxe Films, 2007, 104 min. Drame psychologique.
    À son retour de vacances, Lili apprend que son frère jumeau Loïc a quitté le domicile familial cinq jours plus tôt, sans laisser d’adresse. L’étudiante de 19 ans a du mal à accepter qu’une dispute entre lui et son père ait pu inspirer à son frère un tel comportement. Convaincue qu’il lui est arrivé quelque chose, la jeune fille perd complètement l’appétit et sombre dans une profonde dépression qui contraint ses parents à la faire interner. En isolation complète, forcée de s’alimenter, Lili remonte la pente et, peu avant sa sortie de l’hôpital, retrouve l’espoir à la lecture d’une carte postale de Loïc, la première d’une série dans laquelle celui-ci cherche à la rassurer. Feignant de ne pas voir que le petit ami de sa copine est amoureux d’elle, Lili tente, pendant toute une année, de remonter la trace de son jumeau.